Depuis des milliers d'années que les hommes essaient de s'étudier eux-mêmes pour comprendre les principes dont ils sont constitués, ils ont imaginé de nombreux modes de division. Les uns ont adopté le 2 (le bien et le mal, le haut et le bas, l'esprit et la matière, le masculin et le féminin, le positif et le négatif, le ciel et la terre). D'autres ont adopté le 3 (pensée, sentiment, volonté, ce qui correspond aussi à la division des chrétiens : corps, âme, esprit). Les alchimistes divisent l'homme en 4 d'après les 4 éléments. Les astrologues le divisent en 12 d'après les 12 constellations. Les hindous et les théosophes le divisent en 7: corps physique, éthérique, astral, mental, causal, bouddhique, atmique. Les kabbalistes le divisent en 3, en 4, en 9 ou en 10... Enfin, pour certains, l'homme est une unité indivisible. Quel que soit le point de vue que l'on adopte, il est toujours véridique, cela dépend sous quel angle on regarde les choses.
Pour simplifier la question, nous dirons que l'être humain est une unité parfaite, mais que cette unité est polarisée, c'est-à-dire qu'elle se manifeste dans deux directions, sous deux aspects différents. L'homme est fait de deux natures: la nature inférieure (que nous appellerons moi inférieur ou personnalité) et la nature supérieure (que nous appellerons moi supérieur ou individualité) qui ont les mêmes facultés de penser, de sentir et d'agir, mais en direction contraire. Pour prendre conscience de cette différence, il faut s'observer. La majorité des humains mélangent tout: les pensées et les sentiments inférieurs sont pour eux de la même nature que les pensées et les sentiments supérieurs; ils ne savent pas les distinguer les uns des autres. Tandis que pour les initiés cette distinction est absolument claire. En réalité, on ne peut trouver la limite absolue qui sépare ces deux natures parce que l'une se fond dans l'autre (comme les couleurs du spectre que l'on distingue très nettement de loin mais dont on ne peut de près discerner la ligne de séparation) mais, dans la vie courante, on les distingue fort bien l'une de l'autre.
La personnalité veut à tout prix se montrer, et pour cela elle est prête à employer tous les moyens, agréables ou désagréables; elle se couvre de couleurs criardes, de vêtements excentriques, et se fait remarquer par un rire grotesque, des gestes affectés. Elle veut toujours se montrer plus qu'elle n'est, comme une poule qui gonfle ses plumes pour se grossir. Mais elle est surtout extrêmement changeante et passe d'un état à l'autre avec une incroyable facilité: successivement gaie puis triste, optimiste puis découragée, gentille puis méchante. Elle craint la faim, la pauvreté, la mort, et fait des calculs invraisemblables pour s'assurer sa nourriture et toutes sortes de possessions. Mais elle ne peut rien retenir parce qu'elle est un gouffre sans fond où tout se perd. La personnalité n'a qu'un mobile: l'intérêt, et elle est capable pour cela de changer de philosophie, de religion, d'opinions politiques aussi rapidement que le demandent les circonstances.
L'individualité agit tout au contraire de la personnalité. Elle n'est pas pressée de se montrer, elle ne jette jamais de poudre aux yeux, elle ne crie pas pour être remarquée parce qu'elle est certaine d'être découverte quand ce sera nécessaire. Pour cela, elle ne compte que sur ses dons et son travail. Elle porte en elle une conviction stable, inébranlable, une foi et un espoir constants et fermes. Elle ne varie pas, son point de vue reste immuable.
Malheureusement les humains comptent beaucoup trop sur leur personnalité, et presque tous cherchent la liberté, le bonheur et la lumière du côté inférieur de leur nature. Non, avec la personnalité on ne trouve que la faiblesse dans le plan physique, la souffrance dans le plan astral, et les erreurs dans le plan mental. C'est tout ce que la personnalité humaine peut donner en dépit de ses apparences séduisantes. Elle ressemble à une bulle de savon: la bulle de savon s'envole, chatoyante, irisée, mais très vite, elle éclate.
Dieu est en nous et en dehors de nous, et on peut dire la même chose de notre Moi supérieur. La plupart des humains n'ont pas une conscience assez développée pour sentir la présence en eux de cette entité sublime qui est toute-lumière, tout-amour et toute-puissance. Aussi, le premier travail d'un spiritualiste est de chercher en lui-même toutes les traces de cette présence, en sachant que c'est elle qui est son moi véritable. Il a été dit : " Connais-toi toi-même. " Pour se connaître véritablement, il faut se connaître en haut, dans le monde divin. Tant que l'être humain n'aura pas conscience d'exister en haut comme une parcelle de la Divinité, il ne se connaîtra pas et il ne possédera aucune des qualités divines. Se connaître, c'est s'être trouvé soi-même en même temps qu'avoir trouvé Dieu. En trouvant Dieu, on trouve l'amour, la lumière, la liberté, la joie et non seulement on les trouve en soi, mais dans tous les êtres humains, et aussi dans les animaux, les plantes, les pierres. Quand on a trouvé Dieu en soi-même, on Le découvre partout, dans toute la nature, et c'est cela véritablement se connaître.
Lorsque la personnalité deviendra sa servante, l'esprit humain pourra faire des miracles. Sachez que tout ce qui entrave l'esprit, ce qui l'empêche de comprendre, de créer, d'agir librement, c'est la personnalité. Observez les caractères autour de vous et vous constaterez que plus la personnalité prédomine, plus l'être est borné et de parti pris. Or le moindre parti pris dans les opinions philosophiques ou religieuses, dans les rapports avec les humains ou dans le travail entraîne des complications dans la compréhension et l'activité. Et il n'y a pas de pire parti pris que celui de la personnalité qui s'irrite, se défend, se venge et change sans cesse de point de vue. C'est parce que toutes les entreprises de la personnalité ont un but intéressé qu'elle est condamnée à ne jamais voir la réalité des choses. Quand un Initié voit venir dans son école des êtres dont la personnalité est très développée, il prévoit déjà quels obstacles ils rencontreront et quelles difficultés il aura à les instruire. La formule absolue des Initiés est la suivante: plus on maîtrise la personnalité, c'est-à-dire plus on se limite et se domine, plus on se libère et se renforce.
Tâchez de ne prendre en considération que la nature divine chez les êtres, leur âme, leur esprit, ne vous occupez pas de satisfaire les besoins de leur nature inférieure, égoïste. Vous direz: «Oui, mais si je ne cède pas à leurs désirs, mon mari, ma femme, mes enfants, mes amis seront furieux. » Laissez-les tous être furieux et aimez leur côté divin! Jésus disait: «Laisse les morts enterrer les morts, et toi, le vivant, suis-moi! » Si on interprète largement ces paroles, on fera des découvertes très intéressantes. Pourquoi les humains ont-ils tellement de problèmes entre eux? C'est parce qu'ils suivent les morts. Oui, la nature inférieure, la personnalité, est à classer parmi les morts et si on cherche tellement à la contenter et à satisfaire tous ses caprices, on finit par mourir aussi soi-même. Jésus ne voulait pas parler des morts dans les cimetières, ils sont là où ils doivent être, et d'ailleurs leur âme est vivante. Les morts dont parlait Jésus sont les êtres qui n'ont aucune vie spirituelle parce qu'ils se laissent trop aller à leur nature inférieure: ce sont eux les vrais morts.