Le coeur d’un Maître

Introduction

Il est écrit que l’un des dons de l’Esprit-saint est de « parler en langues », c’est-à-dire de trouver pour chaque être le langage qui va pouvoir ouvrir son cœur et vivifier son âme.

Un vrai maître spirituel a travaillé très longtemps pour recevoir ce don de l’amour pur et désintéressé qui ressuscite, éclaire, épanouit les individus comme les multitudes.

Arouna L.

Mon premier rendez-vous avec le Maître
27 janvier 1980, l’après-midi.
[…] À quinze heures quinze très exactement, l’heure de mon rendez-vous, je sonne d’un doigt léger.
[…] Le Maître m’invite à entrer.
Il est rayonnant de vitalité, parfaitement élégant dans le caftan de soie bleu marine passé sur sa chemise blanche. Il m’introduit dans un petit salon et d’un geste courtois m’invite à m’asseoir. La classe d’un homme du monde !
– Méditons.
[…] il est déjà parti derrière ses paupières closes. Bien, méditons. Je ferme les yeux. L’envol est le mot qui décrit au plus près l’impression de légèreté que j’expérimente aussitôt.
Je reste consciente, bien que déplacée dans une immensité de lumière où je dialogue avec lui. Cette conversation silencieuse est bien étrange, me dis-je, tout en notant qu’elle a bien lieu. […] Nous rouvrons les yeux au même moment, de retour à une normalité qui soudain ne m’apparaît pas plus normale que la phase muette de notre conversation. Toutes les questions concoctées les semaines précédentes ont disparu.
Il me sourit gentiment :
– Vous êtes une vraie hindoue.
Qu’est-ce qu’il entend par là ?
– Ben, j’ai un maître indien, le Swami V.
C’est plat mais c’est tout ce que je trouve à dire.
Silence.
Mauvaise réponse ? À quelle question ? Je commence à me sentir stupide. Il continue à me sourire. Bon, eh bien quoi si je suis une vraie hindoue ? La réponse lui semble tellement évidente que je ne trouve pas le courage de poser ma question à haute voix.
Il entreprend alors de m’expliquer l’essence de son enseignement. Je l’écoute poliment mais n’entends rien, trop absorbée par la sensation qui me gagne. Je me sens enveloppée d’un flux de pure bonté. Aimée, sans savoir ni comment ni pourquoi.
Est-il normal pour ces gens-là d’aimer systématiquement tout le monde ? Le Swami donne la même impression à tous ceux qui l’approchent. Pourtant le sentiment n’est pas le même. Le Swami irradie un amour qui semble branché sur une prise électrique et quand il choisit d’être distant, c’est comme s’il coupait le courant. Ce maître diffuse un amour semblable au parfum qui émanerait d’un luxuriant jardin de roses. On ne peut faire autrement que de le respirer. Comment décrire la sensation d’être aimée par un parfum ? Chaud, doux, bon, magnétique. SIMPLE. Tandis que ces pensées me passent par la tête, je me rends soudain compte, qu’au-delà des mots qu’il prononce, j’entends le sens de ce qu’il me dit.
L’expérience télépathique se poursuit bizarrement dans l’échange verbal.
Les mots disent quelque chose du genre : « Dans le passé, toutes les disciplines spirituelles avaient pour but le nirvana, l’illumination transcendantale. »
Les mots continuent : « Le symbole du processus d’évolution destiné à atteindre l’illumination mentale et le détachement est le triangle avec la pointe vers le haut. Vous le savez, n’est-ce pas ? »
Oui. Peut-être… Je suppose… […] Un très court instant je suis tentée d’analyser la question dans ma tête. Mais quelque chose dans la dimension télépathique m’exhorte à laisser tomber.
« Tout le monde veut être illuminé », poursuit le Maître à haute voix. « C’est bien. Mais Dieu n’a pas créé cette terre pour voir ses enfants flotter dans un état de nirvana, et, dans cette félicité spirituelle, se détacher du reste du monde et de leurs frères humains. »
« Mon enseignement est celui du triangle vers le bas. Vous devez comprendre qu’aujourd’hui il faut une évolution spirituelle involutive, une descente. C’est la matière, à commencer par notre corps, qui doit être illuminée aujourd’hui. L’esprit est assez lumineux en lui-même, vous ne pensez pas ? »
Au stade où j’en suis, la seule chose à laquelle je pense, c’est que j’ai complètement à revoir ma conception de l’acte de penser.
« Pour être illuminé dans l’approche initiatique de la spiritualité, il faut réussir à faire descendre l’esprit dans la matière. C’est cela la véritable réalisation de l’esprit, du Soi dont parlent les Hindous : amener la lumière dans nos pensées, nos sentiments, nos actions, et dans chaque cellule de notre corps. Nous devons vivre le ciel sur la terre, la lumière dans la matière et dans notre vie. C’est comme cela que nous pourrons contribuer à la création d’une nouvelle terre. Une terre où les hommes vivront dans la paix et dans l’esprit d’une fraternité universelle. Pour arriver à cela, vous devez comprendre ce que c’est qu’un mariage. »
Mariage ? Je suis tout oreilles.
« Il faut comprendre comment marier notre principe masculin, symboliquement représenté par le triangle avec la pointe en bas, et notre principe féminin, le triangle avec la pointe en haut. Lorsqu’on unit ces deux triangles, l’amour et la lumière fusionnent. »
L’amour et la lumière ! La chaleur de la bonté et la clarté intellectuelle. Le magnétisme du cœur et l’électricité du cerveau. C’est donc cela l’explication du champ électromagnétique si particulier dans lequel je baigne depuis mon arrivée.
Il venait de me révéler, à sa subtile et vibratoire manière, que dans les chambres les plus secrètes de mon âme, je brûlais du désir de percer le secret de ce mariage du féminin et du masculin.
« Est-ce que vous voulez être dans mon cœur ? »
Je sursaute.
Que me demande-t-il exactement ? Si je veux être dans son cœur : Qu’est-ce que cela veut dire ? Et pour la première fois de ma vie, il m’est complètement égal de comprendre. Si être dans son cœur a quelque chose à voir avec la possibilité de rester en contact avec ce feu qui réchauffe et ne brûle pas, qui éclaire sans aveugler, c’est évident que je veux être dans son cœur.
– Oui, bien sûr.
C’est tout ce que j’arrive à balbutier. Il sourit, visiblement heureux, même joyeux comme un enfant peut l’être. Tout cela parce que j’ai dit oui.
Oui, oui, mille fois oui, je veux être dans son cœur !
Le Maître se lève pour me raccompagner. Nous avions fait quelques pas quand il s’arrêta brusquement et me dit : « La seule chose que vous ayez à vaincre, c’est la peur ». La peur ! Quelle peur ? Je n’avais aucune envie d’y penser, plus intéressée par le ton sur lequel il avait dit cette phrase. Pas la moindre nuance de menace, de critique ou d’avertissement. Son ton chaleureux exprimait, au contraire, la certitude qu’il me faisait confiance et qu’il serait là, si je le souhaitais, pour m’aider et me soutenir vers une victoire qui ne semblait faire aucun doute pour lui.

Extrait du livre d’Arouna Lipschitz : « Dis-moi si je m’approche » – p. 177 – Édition Poche – J’ai Lu
Bertrand L.

« … Cette fois mon âme avait pris le dessus sur ma timidité, je me lançais !
La première rencontre avec le Maître reste un moment des plus précieux de notre vie ! Le premier jour à lzgrev (centre de son école près de Paris), j’allai à Ia conférence que le Maître donnait ce dimanche. Puis je fus reçu par le Maître dans sa petite salle. Que de choses se passent alors dans les mondes invisibles ! La première rencontre est au-delà des mots, du temps, de l’espace. Elle se passe bien au-delà du plan de la conscience et du plan physique, elle est sacrée et magique. En Inde, on dit que ce n’est pas le disciple qui choisit son maître : c’est le maître qui appelle son disciple quand le moment est venu.

[…] …La première année se déroula d’une façon incroyable. La découverte d’une nouvelle manière de penser, de me comporter, d’aimer, tout cela m’a fait vivre au-delà du temps. Des cadeaux n’en finissaient pas de pleuvoir, et ma conscience allait dans des régions encore vierges pour moi. J’ai compris par la suite que ce sont aussi comme des lumières qu’on me donnait pour me faire voir ce qui nous attendrait tous sur le chemin. Je me sentais comme un nouveau-né dans ce monde, et ne voyais que la beauté partout, ce qui m’attirait ! Je crois que c’est cela qui m’a protégé les premiers temps, car je manquais de connaissances et d’expériences pour voir la nature humaine sous ses différents aspects. Il faut être fort pour voir les choses telles qu’elles sont, c’est pourquoi la clairvoyance peut être un tel fardeau !
Comment décrire ces moments si intenses passés dans ces congrès d’été, baignant constamment dans l’aura du Maître ? Les mots ne suffisent pas à décrire cette ambiance qui nous portait le jour comme la nuit. Je me sentais comme dans un grand voilier blanc que le capitaine faisait voguer vers des horizons toujours nouveaux, toujours plus beaux. J’avais l’impression de baigner dans un fleuve de vie d’une telle légèreté ; l’eau me pénétrait au plus profond de chaque cellule, de chaque atome, y insufflant la vie, l’enthousiasme, la lumière blanche christique.
Aussi bien dans les travaux parfois difficiles (entretien des bâtiments, construction, agriculture, préparation des repas…) que dans les méditations, les chants, les silences dans la grande salle, les repas pris en silence, les conférences que le Maître nous donnait plusieurs fois par jour, tout se combinait dans une harmonie parfaite en sa présence : c’était la vie qui se manifestait, pleine, entière. Il nous parlait de la nouvelle vie qui doit venir pour toute l’humanité, et nous avions le bonheur d’y goûter en avant-première, histoire d’en connaître le goût et de pouvoir ainsi en témoigner. »

Extrait de « Témoignages : Chemins d’éveil » – p 99 – Edition Ariane – 2016
Annie

« C’est en juillet 1965 que je rencontrai pour la première fois le Maître, au Bonfin. Je venais d’avoir 20 ans. L’être que je découvris ne ressemblait en rien à ce que j’avais imaginé, c’est-à-dire économe de gestes, de paroles, le regard tourné vers l’intérieur et goûtant à peine à la nourriture qu’on lui présentait. Il n’était, lui, économe ni de gestes ni de paroles ; son regard était direct et, même s’il était très sobre, quand il mangeait c’était toujours avec appétit et conviction.

Sur les photos, beaucoup de sages hindous ont une physionomie presque féminine. Son expression à lui, au contraire, avait quelque chose de volontaire, de viril, que, le premier jour, je ressentis presque comme une sorte de violence. Le deuxième jour je pensai : ce n’est pas de la violence, c’est de la vie. Le troisième jour, je rencontrai son regard… un regard d’une telle douceur ! Je me dis alors qu’il fallait que je change totalement ma conception d’un Maître spirituel.

 

On me demande souvent : « Vous qui l’avez longtemps connu, comment était le Maître ? » Je réponds qu’il fallait aller au-delà des apparences pour découvrir les multiples aspects de cette vie qui émanait de lui : elle était pureté, humilité, beauté, intelligence, énergie, simplicité, amour, poésie. Elle était nourrie de tout un monde inconnu de nous, un monde de lumière, d’espace infini, d’archanges, d’esprits solaires… On sentait son inspiration monter et descendre avec agilité les degrés de l’univers, s’abreuvant à une source mystérieuse. Tel une cascade, il éclaboussait ceux qui l’entouraient de scintillements, de gouttelettes d’amour, d’éclats d’arc-en-ciel. C’était toute la fraîcheur d’une aube radieuse, un soleil étincelant d’une vie nouvelle. Le Maître était vivant. Et il est toujours vivant. »

In Béatrice Lejbowicz, « Omraam Mikhaël Aïvanhov ou l’esprit de fraternité », chap. 2 (Éd. Prosveta, 2019)
Carmen F.

« Un jour, après le lever de soleil, comme tous les matins, le Maître descendait du Rocher de la prière, là où nous allions méditer tôt le matin. Ainsi, il prenait le temps de s’arrêter pour parler avec quelques frères et sœurs ou pour recevoir les dessins exécutés par les enfants.

Le jour en question, il se posta devant moi sans dire un mot et son regard pénétra dans toute la profondeur de mon être. On aurait dit qu’il voyait ma vie entière de A à Z. J’entendis intérieurement : « Qu’est-ce que vous avez fait tout ce temps ? Allez, mettez-vous au travail ! » Et moi de dire : « OK, OK, je vais m’y mettre. » C’était d’une telle clarté que je me demandai même si j’avais répondu à voix haute ou non. Les questions et les réponses semblaient se superposer en moi.

Au cours des jours suivants, je m’appliquai davantage à me concentrer sur les levers de soleil et à pratiquer les exercices recommandés dans le livre traitant du sujet, « Les Splendeurs de Tiphéret », dont les explications aident à faire le travail sur soi durant cette méditation matinale. Je restais bien centrée et observais mes pensées de près. Chaque matin, je tentais de capter le regard du Maître pour voir s’il était satisfait de mes progrès, mais aucun signe. Aucun soutien pour l’ego, assurément ! Au bout d’une bonne semaine, il passa devant moi à la descente du Rocher et inclina légèrement la tête sans même me regarder dans les yeux. C’était un signe très impersonnel, comme s’il disait : « Très bien, continuez » sans aucun égard pour l’ego. »

Extrait de « Témoignages : Chemins d’éveil » – p 75 – Edition Ariane – 2016
Une mère

« En juillet 1981, plusieurs dizaines de Norvégiens se sont rendus pour la première fois au Bonfin. J’avais découvert l’enseignement du Maître au mois de juin et je décidai de les accompagner, en espérant qu’il serait cet être exceptionnel qui m’apparaissait dans ses livres. Mais sachant combien il est rare de rencontrer un véritable Initié, je restais un peu sur la réserve.

Un après-midi, le Maître invita tout notre groupe dans son jardin. Je me trouvais par hasard à côté d’une sœur qui, à un moment, lui présenta la photo de deux enfants de 4 ou 5 ans qui jouaient ensemble. Elle lui montra lequel était son fils afin qu’il le bénisse. « Quel est son nom ? demanda le Maître. Elle le lui dit. « Et le nom de l’autre enfant ? » « – Ce n’est pas important, répondit-elle, ce n’est qu’un de ses copains » et elle répéta le nom de son fils. « Mais dites-moi aussi le nom de l’autre enfant. » Elle parut étonnée qu’il s’intéresse à cet autre enfant, mais là, elle répondit.

Il mit alors la photo dans la poche gauche de sa veste – proche de son cœur. Comme il y avait des gestes qu’il évitait de faire en public, il a sans doute béni ces deux enfants en rentrant chez lui. »

 

In Béatrice Lejbowicz, « Omraam Mikhaël Aïvanhov ou l’esprit de fraternité », chap. 13 (Éd. Prosveta, 2019)
Un rêve

« J’avais 26 ans quand le Maître m’a demandé de remplacer la sœur âgée [responsable de notre groupe fraternel] pour qui cette charge était devenue trop pesante. Et je me suis vite rendu compte des difficultés.
On ne pouvait pas le nier, tous les membres de notre groupe avaient à cœur de participer à son bon fonctionnement ; mais chacun avait son tempérament, ses goûts qui ne s’accordaient pas toujours avec le tempérament et les goûts des autres, et tous les détails de la vie collective pouvaient donner matière à d’interminables discussions. Pris individuellement, chacun était parfait… ou presque ! Mais comment accorder toutes ces « perfections » ? Parfois au bord du découragement, j’étais prête à en parler au Maître pour qu’il me dise ce que je devais faire. Mais je pensais aussitôt : « Non, s’il t’a donné cette responsabilité, c’est qu’il te juge capable de l’assumer. Tu ne dois pas le surcharger, il a déjà suffisamment de soucis de ce genre. C’est à toi de trouver des solutions. »

Et voici qu’une nuit j’ai fait ce rêve. Le Maître m’est apparu, immense, et dans sa poitrine ouverte se pressait un nombre infini d’êtres humains : il les portait tous en lui, les enveloppant d’une lumière très douce. Au milieu de cette foule, je reconnus soudain tous les frères et sœurs qui faisaient partie du centre dont j’avais la responsabilité. Même ceux qui me donnaient le plus de fil à retordre étaient là. Eux aussi, le Maître les accueillait dans son cœur. Alors maintenant c’était clair : en sortant de ce rêve je compris que je devais désormais me concentrer sur cette image ; elle me montrait que comme lui je devais m’efforcer d’accueillir chacun dans mon cœur, le déposer dans l’amour infini de l’Âme universelle.

Était-ce le Maître qui, sans que je lui en parle, avait senti mes difficultés et m’avait communiqué par ce rêve une protection, une force que je n’avais pas ?… »

In Béatrice Lejbowicz, » Omraam Mikhaël Aïvanhov ou l’esprit de fraternité », chap. 7 (Éd. Prosveta, 2019)