Par suite de faits divers dramatiques relayés par les médias, provoquant une vive émotion publique, une commission d’enquête parlementaire enregistra le 22 décembre 1995 à la présidence de l’Assemblée nationale un rapport sur « Les sectes en France » 1. Ce rapport, qui s’appuyait ouvertement sur les enquêtes de terrain des Renseignements généraux, établissait une liste alphabétique de 173 « sectes » présentes en France, et décrivait en quelques mots ou phrases les caractéristiques, croyances ou activités de chacune d’elles.
L’association Fraternité blanche universelle y était répertoriée et décrite par les Renseignements Généraux (renommés depuis DCRI) comme « un mouvement spirituel initiatique proposant un ésotérisme syncrétique, fondé sur l’identification avec les forces christique et solaire, les lois du karma et la galvanoplastie spirituelle. »
L’association, qui n’était pas consultée, a pu reconnaître dans cette définition quelques thèmes épars de la pensée d’Omraam Mikhaël Aïvanhov, mais non la cohérence de sa vision du monde et de son enseignement.
L’approche empirique du phénomène dit « sectaire » par des enquêteurs de terrain aurait supposé que le concept de secte soit au départ clairement défini par des juristes ou au moins par des spécialistes de l’histoire des religions. Dès les premières pages, le rapport parlementaire lui-même reconnaissait que « la notion de secte, particulièrement difficile à définir dans le langage courant, est totalement inconnue du droit français. » Sur Wikipédia, l’article « Commissions d’enquête parlementaires sur les sectes en France » explique : « Devant la grande difficulté de définir le concept de secte, la commission a décidé de reprendre les critères observés par les Renseignements généraux, qu’elle considère comme « un faisceau d’indices, dont chacun pourrait prêter à de longues discussions » 2.
Pour les Églises institutionnelles, la définition de la secte est simple : c’est un mouvement qui s’est détaché de l’Église (latin secare : couper 3) afin de suivre (latin sequi : suivre) des croyances et des pratiques jugées déviantes, car souvent sélectionnées et partielles (grec hairesis : choix, d’où hérésie) par rapport aux doctrines officiellement admises et enseignées par l’Église.
Les sociologues, eux, depuis les années 1960-70 ont étudié l’apparition et le foisonnement, dans les pays occidentaux, de très nombreuses mouvances ou communautés nouvelles, religieuses ou spiritualistes, comme un phénomène de société observable avec des méthodes impartiales. Et ils les ont désignées d’une expression qui ne porte aucun jugement de valeur : « nouveaux mouvements religieux ».
En 1996, le compte rendu du Colloque de l’Association française de sociologie religieuse précisait : « Dans la polémique sociale actuelle autour de certains groupes, les sociologues mettent en question le terme « sectes », a priori stigmatisant, et ne veulent s’en tenir qu’à l’expression « Nouveaux Mouvements Religieux 4 ».
Cette appellation entrait aussi en usage dans les milieux politiques dans la mesure où les pouvoirs publics se tenaient au courant des évolutions de la société.
Ainsi, l’année suivante, en mars 1997, ouvrant une séance de travail du Parlement européen sur les dites sectes (W-10), Mme Colombo-Svevo, vice-présidente de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures, faisait cette mise au point : « Sur le plan juridique, la « secte » n’existe pas. … Au terme de « secte », je préfère celui de « nouveau mouvement religieux », le terme de secte comportant une connotation péjorative dans nombre de nos pays 5.»
Entre 1995 et 2005, le monde avait considérablement changé, la révolution numérique avait eu lieu, ainsi que bien d’autres bouleversements géopolitiques.
Désormais, après 2001 tout ce qui est idées, culture, informations, opinions, circule, traverse les frontières, s’échange et s’interpénètre à très grande vitesse par l’intermédiaire des médias numériques et des réseaux sociaux. Les représentants des peuples, les gouvernants eux-mêmes sentent combien les mentalités et les mœurs évoluent rapidement. L’opinion mondiale s’intéresse aux « nouveaux courants religieux » et leurs détracteurs de naguère sont obligés de nuancer peu à peu leurs points de vue.
Le Point du 23 juin 2005 cite une phrase de M. Gilles Bottine, secrétaire général de la Miviludes : « Au moment de sa publication, dit-il, la liste de 1995 était déjà une liste obsolète. 6 » Peu après, le 27 juin 2005, MM. Fenech et Brard de la Miviludes, et M. Vuilque, publient dans un communiqué : « En réalité, la question que pose cette circulaire [Raffarin, cf. plus loin*] est celle du vieillissement des informations collectées en 1995 et 1999 » 7.
En 2007, Yves Bertrand, qui a été directeur central des Renseignements généraux de 1992 à 2004, s’exprime sur la contribution de cette administration au rapport de la commission d’enquête parlementaire de 1995. Il écrit que c’est « un rapport très dur » ; que le travail effectué pour éclairer les parlementaires « a incontestablement vieilli » ; que « certains mouvements, à côté de sectes authentiques et dangereuses pratiquant la déscolarisation des enfants, l’abus de faiblesse voire la pédophilie […], se sont vu un peu trop vite affubler du vocable de secte » ; qu’on a le droit de critiquer [certains mouvements] sans « pour autant les transformer en diables » ; et que « à placer sur le même plan certaines sociétés de pensée et d’authentiques mouvements sectaires qui aliènent la liberté de leurs membres, on aboutit à l’inverse du but recherché. Sous prétexte de protéger la liberté de conscience, on empêche les citoyens d’embrasser les croyances de leur choix, ce qui est le contraire de la laïcité bien comprise » 8.
Mais si l’on veut se faire une idée du caractère de ce rapport de 1995, il faut lire sur Wikipédia l’article mentionné plus haut (cf. note 2) :
Le premier rapport officiel datant de 1995 a établi une liste de 173 « mouvements sectaires », qui a été considérée, depuis 2005, comme obsolète, tant par le gouvernement et les parlementaires 1 et comme « complètement caduque » par le président de la MIVILUDES, bien qu’elle ait « permis de cerner le phénomène, même si c’était de manière parfois erronée et partiellement incomplète » 2, 3, et « de moins en moins pertinente » par la circulaire Raffarin de 2005, qui ajoute que le recours à des listes est à éviter « au profit de l’utilisation de faisceaux de critères ».
Additif de janvier 2022 (le présent chapitre « Controverse en France » datant de 2017) :
Les évènements mondiaux avec la montée des extrémismes ont amené le gouvernement français à rappeler que le terme “secte” ne se délimite juridiquement qu’en cas de “dérive sectaire”, c’est-à-dire d’actes délictuels ou criminels, et qu’il convient donc de proscrire toute référence à une liste de groupes sectaires comme celle du rapport parlementaire « Les sectes en France » de 1995, qui a conduit à la stigmatisation d’associations hautement respectueuses de l’ordre et des libertés.
En 2020, Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté, Mme. Schiappa redéfinit ainsi les contours de la lutte contre les dérives sectaires :
“Les tentatives de listes de groupes sectaires, en particulier celle du rapport parlementaire « Les sectes en France » de 1995/6, se sont révélées peu probantes, car les groupes appréhendés étaient classés non pas sur des critères objectifs, mais sur le degré d’acceptation sociale du moment. Les critiques se sont logiquement focalisées sur le manque de clarté des critères utilisés, conduisant à la stigmatisation d’associations exemptes de toutes dérives sectaires avérées. Il convient donc de proscrire les argumentations fondées sur cette logique de listes. Avec la remise en cause du lien entre sectes et religion, initiée à la fin des années 1970, la secte n’est plus comprise comme une idéologie religieuse minoritaire dissidente, mais comme un groupe fermé, à visée délictuelle/criminelle ou poursuivant des intérêts personnels. C’est la notion d’ordre public qui devient centrale. Le contenu doctrinal s’efface au profit du contenu comportemental. On passe donc de la notion de « secte » à celle de « dérive sectaire », appréhendée par les infractions qu’elle suscite.”
Lien : LES MOUVEMENTS SECTAIRES EN FRANCE ANALYSE ET TENDANCES ACTUELLES GN+MIV+PN.odt (vie-publique.fr) Page 12/22
Dans une circulaire du 27 mai 2005 aux ministres et aux préfets, le premier ministre M. Jean-Pierre Raffarin, précisait : « L’action menée par le Gouvernement est dictée par le souci de concilier la lutte contre les agissements de certains groupes […] avec le respect des libertés publiques et du principe de laïcité. L’expérience a montré qu’une démarche consistant, pour les pouvoirs publics, à qualifier de « secte » tel ou tel groupement et à fonder leur action sur cette seule qualification, ne permettrait pas d’assurer efficacement cette conciliation et de fonder solidement en droit les initiatives prises 9.»
Il s’agit donc pour les pouvoirs publics de « fonder solidement en droit » la vigilance exercée a priori sur ces divers mouvements religieux.
Le droit national depuis la révolution française et, davantage encore, le droit international depuis le milieu du XXème siècle, garantissent la liberté de croyance ou de conviction. Il existe plusieurs grands textes mondiaux ou européens que la France a signés, auxquels s’ajoutent sa propre constitution ou ses propres textes de lois.
On trouvera dans le site fraternite-blanche-universelle.org (cf. LE DROIT) certains articles cités in extenso :
C’est dans le cadre du respect de ces textes que les pouvoirs publics français se donnent pour mission d’assurer l’ordre public. En contrepartie, pour tout citoyen et tout membre d’une association, le droit à la liberté de croyance ou de conviction s’accompagne du devoir de n’être en rien nuisible à soi-même ni à autrui et de respecter l’ordre public.
En l’absence de définition juridique de « secte, sectarisme, dérive sectaire », les sociologues, les avocats, les députés européens, les juristes définissent « l’ordre public » en se référant à la législation déjà existante dans chaque pays démocratique 9.
Non sans rappeler, du reste, l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. »
« On peut regretter la persistance d’une présentation du problème, dans la plupart des grands médias, en termes de pour ou contre les sectes », écrivent les sociologues des religions (compte rendu du colloque, p. 8) : cela « interdit toute réflexion distanciée (…) et conduit à rejeter dans le camp des pro-sectes les chercheurs qui appellent à la réflexion » 4.
En effet, un grand nombre de sociologues, avocats, historiens des religions, voire d’élus ou d’enquêteurs ministériels, qui avaient mené une étude objective sur des nouveaux mouvements religieux, se sont vu soupçonner de collusion avec eux et ont vu leur carrière ralentie ou compromise par cette suspicion 10.
Dans ce climat polémique, il est donc nécessaire qu’une instance sans préjugé donne une définition incontestable de « l’ordre public » : tel est le rôle du droit.
En droit, les choses sont claires : l’ordre public n’est autre que l’absence d’occasions d’imputer infractions, délits ou crimes tels que définis par le Code. Toutes les parties peuvent donner leur assentiment à l’assertion suivante : c’est aux autorités juridiques qu’il incombe de constater et sanctionner, au cas où une « dérive » se manifeste par un délit ou un crime 11.
Chaque pays a déjà son arsenal juridique. Mme Colombo-Svevo conclut ainsi la séance de travail des députés au Parlement européen sur les « sectes » (cf. note 5) : « Quels sont nos points communs ? Nous disons tous qu’il n’est pas nécessaire d’établir une définition juridique des sectes ni une législation ad hoc, car nous avons suffisamment d’instruments légaux. »
Les médias ont montré plus de hâte que les juristes et les sociologues. Recherchant le sensationnel pour des raisons qui leur sont propres, certains médias ont associé le mot « secte » à des notions de prolifération, de fanatisme, d’envoûtement, bref de danger, ou alors de ridicule.
Chaque rapport parlementaire sur les « sectes » a été suivi d’une campagne médiatique. À peine le rapport parlementaire de décembre 1995 était-il rendu public, L’Express du 18 janvier 1996 titrait : « Les 172 sectes qui ont envahi la France » 12, ravivant la mémoire de la défaite et de l’Occupation, éloignées d’un demi-siècle.
Le 11 août 1999, année d’un autre rapport parlementaire, Libération, ayant envoyé un reporter pour vérifier si l’éclipse de soleil ne semait pas le désarroi chez les présumés « adorateurs du soleil », titrait 13: « La secte tourne le dos au soleil infidèle. Classée dangereuse, la Fraternité blanche (sic 14) vénère l’astre ». Le journal faisait l’hypothèse d’une brouille entre « la secte » et l’astre, sans voir la contradiction entre « vénérer » et « tourner le dos ».
Mais par la suite, la circulaire de M. Jean-Pierre Raffarin le 17 mai 2005 apporta sur le rapport d’enquête de 1995 la réserve suivante : « Cette vigilance doit s’exercer en tenant compte de l’évolution du phénomène sectaire, qui rend la liste de mouvements annexés au rapport parlementaire de 1995 de moins en moins pertinente 8 ». Le mois suivant, le 23 juin 2005, le journal Le Point titrait : « La fin des listes noires » 15. La liste du rapport parlementaire de 1995 pouvait-elle donc être assimilée à une « liste noire » ?
Quant au nombre de membres de l’association française, certains articles de presse ont tenté d’en donner une évaluation. Le rapport d’enquête de la commission parlementaire de 1995, alimenté par les Renseignements généraux, parlait de « 500 à 2000 adeptes ». Neuf mois seulement après la publication de ce rapport, L’Express les estimait à 20 000 membres 16. Quatre ans après, en 1999, Libération les estimait à 10 000 13. L’association s’est toujours interrogée sur leurs sources. De telles variations obligent à se poser des questions sur la véracité des informations véhiculées par les médias, si souvent considérées comme la vérité absolue.
Contre les calomnies et les diffamations dont elle a fait l’objet en France pendant des décennies, l’association Fraternité blanche universelle a souvent été obligée de faire des mises au point. Par suite de diffusions erronées voire diffamatoires la concernant, des droits de réponse ont été adressés à de nombreux médias (journaux, revues, chaînes de télévision) et des actions en justice ont dû parfois être engagées 17. L’association a obtenu le plus souvent gain de cause.
Additif 2023. À propos de l’article « Fraternité blanche universelle » sur Wikipédia :
Le très large public qui consulte l’encyclopédie Wikipédia est généralement confiant d’y trouver des articles d’une impeccable objectivité et d’une rigoureuse honnêteté intellectuelle.
On constate toutefois qu’en France ce site web participatif censure la libre expression des mouvements spiritualistes, alors que sur les mêmes sujets, Wikipédia en langue anglaise ne montre pas les mêmes préventions rationalistes et matérialistes. Depuis des années, dans l’article « Fraternité blanche universelle », Wikipédia-France présente de notre association une image déformée.
La page consacrée à notre association, malgré nos demandes de rectifications, reste lacunaire et entachée d’erreurs. Amalgames inexacts avec d’autres mouvements ; définitions tirées de recherches universitaires de second plan ; détails de doctrine grossis au détriment de l’essentiel ; chiffrages incertains qui se superposent du simple au double ; insinuations à propos de présumées possessions ; et, placée en évidence, une citation délibérément malveillante, extraite d’un article de revue pédagogique paru en juillet 1990, alléguant une emprise totalitaire sur les membres jusque dans leurs choix affectifs et sexuels.
Ce dénigrement tend à détruire la réputation de la Fraternité blanche universelle et à détourner le public de s’intéresser à un mouvement ainsi discrédité.
Au cours des années 2010, des responsables de l’association ont proposé à la rédaction de Wikipédia une version véridique des faits, demandant de pouvoir rectifier, effacer ou ajouter des mots, des phrases, des chiffres, des paragraphes, en expliquant par écrit pour quelles raisons. Leurs propositions ont été refusées – à part des améliorations d’orthographe, grammaire, ponctuation. Et notamment il a été impossible de faire effacer les affabulations contenues dans cet article de 1990.
Devant cette impossibilité d’obtenir de Wikipédia, par le dialogue, des rectifications raisonnables et motivées, le Conseil d’administration de l’association a considéré que la réponse la plus pertinente était, pour la Fraternité blanche universelle, de rétablir les faits via ses propres médias, et de consacrer ses énergies à cultiver ses vraies valeurs, à se développer harmonieusement, et à poursuivre son idéal de fraternité entre tous les humains.
La Fraternité blanche universelle ne peut que réaffirmer la simplicité, la clarté, l’intégrité de ses pratiques, qui visent toujours un but de santé, d’équilibre et d’harmonie : « Les activités des centres fraternels, explique le site de la Fraternité blanche universelle-Suisse 18, sont “ouvertes” et n’ont aucun caractère communautaire, chacun poursuivant ses activités professionnelles et familiales dans le monde. … Aucun rite n’accompagne les rencontres fraternelles et aucun “grade” n’établit de hiérarchie dans la collectivité ».
Une journée de congrès fraternel consiste en « prières et méditations en commun, exercices de gymnastique, repas végétariens pris en silence, chant choral, audition de conférences enregistrées d’Omraam Mikhaël Aïvanhov. À quoi on peut ajouter la préparation des repas, l’entretien des locaux, le jardinage, ainsi que les activités artistiques. …Au printemps et en été, par beau temps, les journées commencent par le « lever du soleil », moment privilégié pour la réflexion, la méditation et la prière. Et le dimanche, la Fraternité se réunit sur une pelouse pour exécuter la Paneurythmie, une danse harmonique dont le Maître Peter Deunov a composé la musique et indiqué les mouvements, d’une grande simplicité » 19, 20.
En 2015, la revue Reflets a fait une enquête auprès de nombreuses minorités spirituelles en France. L’association Fraternité blanche universelle ayant été sollicitée a répondu aux questions qui étaient posées. Parmi les réponses parues dans Reflets, on peut citer les deux brefs extraits suivants : « La Fraternité blanche universelle enseigne comment développer ce qu’il y a de meilleur en l’homme en prônant un idéal de fraternité et d’amour. »
« Notre philosophie est libre d’accès, nous ne cherchons à l’imposer à personne, nous souhaitons simplement pouvoir la vivre sereinement et ouvertement. » 21
Loin de ces discours « pour » et « contre », ces deux dernières décennies dans les pays occidentaux il s’est formé des équipes de chercheurs en sciences sociales et histoire des religions, qui se sont penchés sur le phénomène des nouveaux mouvements religieux. Ce sont en général des universitaires, qui se sont spécialisés dans l’étude de ces courants contemporains dans un but de connaissance désintéressée.
Ils n’ont certes pas atteint les succès de librairie de ces étonnants best sellers que furent Le Matin des magiciens en 1960 ou Les Enfants du Verseau en 1981 22, 23. Mais c’est vers cette même époque que certains précurseurs se sont mis à appliquer les méthodes d’étude scientifiques aux phénomènes des courants hermétiques ou occultistes. La parution du Giordano Bruno de Frances A. Yates en 1964 a fait date et a suscité des vocations 24.
La même année, l’École pratique des Hautes Études (Sorbonne) a créé un programme d’Études d’histoire de l’ésotérisme chrétien. Antoine Faivre allait en prendre la direction en 1979, puis Jean-Pierre Brach en 2001. Ainsi a été instituée à Paris « l’étude historique des courants ésotériques européens modernes et contemporains »25. Ces travaux ont été amenés à clarifier les différents sens du mot ésotérisme, à étudier les divers courants ésotériques au cours des derniers siècles, et de ce fait se sont donné tous les atouts pour observer et décrire les nombreux mouvements nouveaux en train d’apparaître.
En 1984, Eileen Barker, professeure de sociologie en Grande-Bretagne, a utilisé le terme de « nouveaux mouvements religieux » dans le titre de son ouvrage Of Gods and Men 26.
Dans les années 1990 et surtout après 2000, dans les universités européennes et nord-américaines, il s’est développé des sections d’étude où une attitude scientifique était considérée comme l’attitude normale. Dans un souci de laïcité, en 2002 Régis Debray a permis d’admettre dans les milieux pédagogiques français que le « fait religieux » est un phénomène indéniable, objectif et observable de façon neutre 27.
En Europe, des universitaires donnent des cycles de cours, des conférences, créent des revues, organisent des rencontres et des colloques internationaux, publient des ouvrages ou des encyclopédies, qui vu leur succès sont souvent augmentés et réédités quelques années plus tard. Certains chercheurs ont été des pionniers de la spécialité, chacun avec une coloration différente : Antoine Faivre en France, Jean-François Mayer, Jean-Pierre Laurant en Suisse, Massimo Introvigne en Italie… Beaucoup – on ne peut tous les citer – ont pris la relève dans les universités ou les maisons d’édition : Jean Servier en France, Wouter J. Hanegraaff aux Pays-Bas, Olav Hammer en Suède, Oswald Eggenberger en Allemagne, John G. Melton et le Suisse Martin Baumann aux USA, etc. relayés par une génération plus jeune dont parfois les études explorent des domaines apparemment moins traditionnels.
Depuis les années 2000 jusqu’à nos jours (nous publions en 2017), ces universitaires européens ont organisé des colloques internationaux sur l’ésotérisme : en Californie, à Bucarest, Venise, Tübingen, Strasbourg, Szeged … Ils dirigent des mémoires ou des thèses.
La France, probablement à cause des complexités de son histoire religieuse, est restée plus incertaine dans ce mouvement. Il a souvent fallu que les patrons de thèses et les doctorants français aillent à contre-courant de l’opinion et même de l’opinion universitaire pour choisir leur sujet de thèse.
Quelques jeunes doctorants ont fait une large place dans leurs recherches à l’enseignement des Maîtres Peter Deunov et Omraam Mikhaël Aïvanhov : Margit Kranewitter (Italie) 28, Suzanne Rousseau (Québec) 29, Stéphane Rivest (Québec) 30, Milka Hristova (Suisse) 31 …
Des écrivains 32, metteurs en scène 33, peintres, journalistes 34, médecins 35, avocats 36, ont cité la pensée du Maître Omraam comme une source d’inspiration de leur art, de leur profession, ou tout simplement de leur équilibre personnel.
Dans son ouvrage intitulé L’Ésotérisme, Antoine Faivre en suivant une méthode inductive a établi quatre caractéristiques de la pensée ésotérique :
« Les Nouveaux Mouvements religieux, écrit-il, représentent un phénomène qui a commencé à se manifester à partir des années 1960. Nombreux sont ceux dont l’enseignement contient des éléments de type ésotérique au sens où nous l’entendons ; par exemple la Fraternité Blanche Universelle de Peter Deunov (1864-1944) et Mikhaël Aïvanhov (1900-1986). »
Si pertinente, sensible et juste que soit la synthèse d’A. Faivre sur la spiritualité ésotérique, il faut ajouter une intuition nouvelle qui caractérise l’enseignement de ces deux Maîtres. Pourquoi ont-ils inspiré tous les deux la fondation d’associations nommées « Fraternité »?
Ce faisant, ils ont mis l’accent sur un élément nouveau qui était devenu essentiel, nécessaire dès le début du vingtième siècle : la conscience que tous les êtres, dans tous les règnes visibles ou invisibles, sont dignes de respect, de soins et d’amour, du simple fait de leur filiation divine. Et quelle que soit leur sphère de vie ou l’étape de leur évolution, ils appartiennent à une même immense famille cosmique.
Il est donc vital pour les humains d’apprendre à respecter tous les êtres vivants sur la terre, d’aider leur âme à évoluer dans la liberté et de tout partager avec eux en harmonie. En un mot : fraternellement.
Dans cette période critique où est entrée l’humanité de notre temps, au milieu des dangers qu’elle se crée sans cesse à elle-même, seul l’esprit de fraternité la sauvera.
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