La « Fraternité Blanche » de Bulgarie

Au sortir de cinq siècles de domination ottomane, la Bulgarie entre les deux dates clés de 1878 et 1912 conquiert son indépendance linguistique, religieuse, territoriale, politique. Elle traverse de nombreuses vicissitudes : élaboration d’un État, guerres avec les peuples voisins, redécoupages de territoires 1

En filigrane dans ce contexte historique tourmenté, s’élabore lentement sous l’impulsion de Peter Deunov (1864-1944) la création d’un mouvement spirituel ésotérique chrétien 2. Né vers 1900, ce mouvement va prendre une grande ampleur avant d’être contraint à la clandestinité à partir de 1944.

Peter Deunov dans sa jeunesse étudie la théologie et la médecine aux États-Unis. De retour en Bulgarie en 1895, il passe cinq années dans la retraite et la prière. Musicien, mystique, visionnaire, il reçoit une initiation intérieure. Dès lors il consacre sa vie à l’élévation spirituelle du peuple bulgare. Il connaît bien son peuple : pendant onze ans (1901-1912) il visite toutes les régions de Bulgarie pour connaître les habitants, leur parler, les soigner, les conseiller.

Pour la première conférence de ce qu’il appelle « la Chaîne », à Varna en 1900, il n’a invité que trois auditeurs : un orthodoxe, un protestant et un catholique, preuve symbolique que son message contient un ferment d’unité 3. Sa conception du Christ se réfère à la dimension cosmique de l’Amour pur et désintéressé sur lequel sont fondés tous les mondes, grands et petits, visibles et invisibles. La mission de l’homme sur la terre est d’élargir sa conscience, de «vivre pour le tout» et de renaître intérieurement pour servir l’humanité.

« Les peuples chrétiens doivent sans tarder chercher et trouver les méthodes réelles les plus aptes à réaliser l’enseignement du Christ, par des expériences individuelles et collectives suivies avec pureté et foi. Alors cesseront les violences, les tueries de milliers, de millions d’hommes. Si nous suivons cet enseignement d’amour, l’Europe peut être sauvée 4

En 1922, le Maître Peter Deunov inaugure à Sofia l’école ésotérique qui recevra le nom de Bialo Bratstvo, « Fraternité Blanche ».

À Sofia, il donne chaque dimanche des conférences qui réunissent des disciples de plus en plus nombreux, attirés par sa sagesse, sa clairvoyance et son rayonnement de bonté : en 1939, ils seront environ 40 000 disciples en Bulgarie et dans d’autres pays d’Europe. Son audience grandissante n’est pas sans inquiéter les autorités politiques et religieuses de Sofia : en 1917, l’Église orthodoxe le fait assigner à résidence à Varna. En 1922, le premier ministre Stamboliiski demande à le rencontrer. En 1925, les services de la Sûreté le convoquent pour l’interroger sur ses idées.

Le jeune Mikhaël : Varna 1917 – Sofia 1937

À Varna en 1917, habite un jeune homme de 17 ans, Mikhaïl Ivanov, Mихайл Иванов. (Plus tard, en France, la transcription de ce nom sera francisée en « Michaël Ivanoff »).

Mikhaël est issu d’une famille bulgare originaire de la province de Macédoine. C’est une famille pauvre, pieuse et digne. De nombreuses épreuves déjà dans son enfance mûrissent son sens des responsabilités et contribuent à éveiller son élan spirituel ainsi que les nombreuses facultés dont il bénéficiera plus tard 5.

Adolescent, il poursuit seul une ardente recherche spirituelle. Il a une immense soif de savoir. Enthousiasmé par quelques lectures, il s’adonne à la prière, à des exercices spirituels, à des recherches personnelles. À 16 ans, il vit des expériences extraordinaires, des extases liées à la lumière, à l’harmonie cosmique.

La rencontre avec Peter Deunov l’émerveille 6 : il a trouvé le guide dont son âme avait besoin. Devenu un disciple fervent, il le suit lors de son retour à Sofia.

De 1917 à 1937, il participe avec assiduité à toutes les étapes du développement de la Fraternité blanche en Bulgarie. Il écoute et médite d’innombrables conférences de Peter Deunov 6. Il assiste à la composition de nombreuses mélodies et chants mystiques que le Maître improvise sur son violon ; il participe aux randonnées collectives au mont Vitocha.

  • en 1922, c’est l’inauguration de l’école ésotérique,
  • en 1927, la fondation du centre fraternel de Sofia nommé Izgrev (lever du soleil),
  • en 1929, le premier camp d’été en montagne près des sept lacs de Rila, avec les conférences journalières et les prières devant le lever du soleil,
  • en 1933, Peter Deunov compose et commence à indiquer les premiers mouvements de danse de la Paneurythmie 2.

Frère Mikhaël partage tous ces événements, et parallèlement, il mène à bien des études universitaires : il deviendra enseignant, puis directeur de collège à Sofia.

Mais la situation internationale se dégrade, les idéologies nazie et communiste se répandent en Europe, et le gouvernement bulgare subit sous la menace une alliance avec l’Allemagne. Pressentant des périodes difficiles pour son école spirituelle, Peter Deunov en 1937 envoie Frère Mikhaël en France afin de faire connaître et préserver son enseignement 7.

Notes :

  1. FAIVRE Antoine, L’Ésotérisme, Presses Universitaires de France, Paris, 1992, collection « Que sais-je ? », 128 pages, ISBN : 978-2-13-059254-9
  2. KRALEVA Milka, Le Maître Peter Deunov – vie et enseignement, éd. Kibea, Sofia, 2001, 87 pages, ISBN : 9789544742683
  3. Peter DEUNOV, La Vie pour le tout, Courrier du Livre, Paris, (3ème édition 1989), 122 pages, ISBN : 2-7029-0260-X
  4. Ouvrage collectif, L’Enseignement de vie nouvelle du Maître Beïnça Douno, Le Courrier du Livre, Paris, 1991, 223 pages, ISBN : 2-7029-0260-X, tome II, p. 7
  5. FRENETTE Louise-Marie, La Vie d’un Maître en Occident – Omraam Mikhaël Aïvanhov, éd. Robert Lachance, Laval (Québec), 418 pages, ISBN : 2-923036-00-X
  6. Omraam Mikhaël AÏVANHOV, Auprès du Maître Peter Deunov – éléments d’autobiographie 2, éd. Prosveta, Fréjus, 2010, 456 pages, ISBN : 978-2-85566-990-8, p. 14-15
  7. Op. cit., p. 433-435

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